Le pauvre que je suis, à la suite de Jésus.
Jésus a vécu sa Passion avec un immense Amour. C’est ainsi qu’il nous a délivré de la mort. Il a voulu me faire vivre l’Evangile de sa Passion d’une manière toute privilégiée. Marthe Robin nous a donné le récit de ce que Jésus a vécu dans les douleurs de sa Passion. Pour me faire « comprendre » son agonie, Jésus m’y a introduit en me faisant entrer, selon mes possibilités, dans la compréhension du mystère de sa propre trahison. En effet, c’est en vivant des situations de trahison que nous pouvons faire l’expérience de ce que vivent ceux qui sont trahis, et de Jésus qui l’a vécue, d’une manière unique. Les situations semblables de l’Evangile, vécues dans notre quotidien, apparaissent plus lumineuses.
L’Esprit Saint crée des liens uniques dont il est le Maitre et l’Artisan dans le soutien apporté aux pauvres. Ces relations nouvelles, vécues sous le souffle de l’Esprit Saint, nous guérissent et nous situent déjà dans le monde à venir. Il nous faut grandir en Amour jusqu’à notre entrée dans le Royaume. C’est à l’école des Liens des cœurs de Jésus et de Marie que nous progressons dans le nouvel Amour que Jésus est venu nous apporter. « Demeurez dans mon amour, » dit-il. C’est notre défi, un défi qui n’est pas facile à relever. La Parole nous dit comment Eve s’est laissé détourner de l’appel de Dieu. Quand Jésus nous invite à vivre de son nouvel Amour, le Lien avec lui est vital pour demeurer dans cette grâce unique de son Amour infini. La moindre défaillance dans ce lien avec Jésus, peut conduire à des incompréhensions, qui peuvent se traduire en condamnation.
Marie, à l’Annonciation, nous fait entrer dans le secret du Roi. Si nous contemplons le secret de Marie, nous la découvrons partir en hâte, selon le signe de l’Ange, chez sa vieille cousine Elisabeth. Par grâce, Elisabeth découvrira le secret de Marie : « Comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Il était impossible à Marie de parler du mystère de l’Incarnation qui l’habitait, même à Joseph, qui était le plus intime pour elle. « Il faut manifester les œuvres de Dieu, et cacher les secret du Roi, » dit le livre de Tobie.
Avec les seules lumières de notre raison, il est difficile de croire les Révélations toute intérieures données par l’Esprit Saint. Toute indélicatesse dans le mystère de la Révélation, sème le trouble et nuit gravement à l’interprétation de l’Œuvre merveilleuse de Dieu. C’est l’Esprit Saint qui nous introduit dans le secret de l’Amour infini de Dieu pour nous. Seule la grâce de l’Esprit Saint révèle le mystère de Dieu quand l’heure est venue.
C’est par un songe que Joseph sera éclairé, pour coopérer à l’Œuvre de Dieu. Il y a des « secrets » du cœur dont Dieu est le seul Maitre, et c’est lui-même qui les révèlera en son temps. Jésus disait à ses apôtres : « Il est des choses dont je ne peux pas vous parler maintenant, mais vous comprendrez plus tard. » Pierre, après la Résurrection de Jésus, sera dans le questionnement à propos de la vocation de Jean. Il entendra Jésus lui déclarer : « Que t’importe, si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, toi, suis moi. »

Judas trahira son Maitre par un baiser. Il ne se rend pas compte de la portée de son geste. Pourtant, la tendresse de Jésus pour lui était une Parole vivante, la plus forte qui soit. Cette tendresse trahie, Jésus s’écrie : « Judas, c’est par un baiser que tu trahis le Fils de l’homme ? » Seuls, ceux qui ont été trahis dans leur Amour, peuvent comprendre cette situation. Nous sommes devant des Paroles énigmatiques qui ne pourront être saisies que par l’expérience. Trahis, nous vivons quelque chose de la situation de Jésus dans sa trahison. Dans la pauvreté de notre être, à notre mesure, nous comprenons de l’intérieur quelque chose de ce que Jésus a vécu dans la trahison de Judas, le reniement de Pierre et la fuite des disciples. C’est une grâce qui nous fait entrer dans le mystère de la personne de Jésus. Par notre douleur, nous pouvons soupçonner quelque chose des douleurs que Jésus a vécues dans son agonie.
Quel drame se fut pour Marie de découvrir que Jésus était condamné par le grand prêtre ! Elle aurait pu s’interposer et "raconter" ce qui est advenu en elle pour la venue de Jésus dans le monde. Nous savons trop combien cela aurait amplifié la condamnation de Jésus. Il lui faudra attendre l’intervention de Dieu à la Résurrection. Nous restons vulnérables quand la confiance vient à manquer dans le regard de "l’autorité religieuse," sur l’authenticité de notre relation à Dieu. C’est quand nous sommes soumis à ce genre de condamnation et de rejet que nous pouvons "saisir," à notre mesure, quelque chose de l’angoisse de Jésus, devant la réalité de sa Passion : "Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu."
Il nous faut rejoindre Jésus qui pardonne à ses accusateurs dans son immense Amour. Marthe Robin décrit bien les sentiments du cœur de Jésus dans sa douloureuse Passion. Elle perçoit l’Amour dont il enveloppe ses bourreaux de manière très précise ! Quand nous passons par ces épreuves, nous pouvons discerner le chemin d’Amour qu’il nous reste à parcourir pour pardonner et demeurer dans la Paix.
Il est nécessaire de nous reconnaître petit et pauvre, avec nos capacités et nos limites, pour rejoindre Jésus dans son mystère. Notre personne profonde et notre intériorité a été « bâtie » dans le Christ. Mais il nous faut encore de nouvelles purifications. Elles interviennent pour moi dans la condamnation par "l’autorité religieuse." La relation vivante à Jésus devient encore plus essentielle. C’est alors salutaire de contempler comment Jésus a été condamné par le pouvoir religieux de son époque. La Défense et la lumière de l’Esprit Saint sont nécessaires pour nous réconforter quand nous sommes dans une situation semblable.
« Prends garde, ne t’occupes pas de la condamnation de ce juste, » La confidence de la femme d’Hérode : « Prends garde, ne t’occupes pas de la condamnation de ce juste, » ne va pas empêcher le procès de Jésus de se poursuivre. Hérode dira que Jésus est innocent, cependant Jésus sera condamné ! C’est une grande douleur quand le « pouvoir » religieux est rejoint par le pouvoir civil pour la condamnation du juste. La Parole de Jésus : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, » ne peut plus s’exercer ! La liberté n’est plus honorée, et l’amalgame des situations civiles et religieuses est des plus douloureux et difficile à vivre. C’est souvent la réalité que vivent les pauvres sans défense.
C’est la réalité de Jésus. Nous la comprenons mieux quand nous sommes dans ces situations d’injustice. Mais la grâce de Dieu surabonde quand nous passons par ce genre d’épreuve. C’est la contemplation de Jésus humilié qui nous sauve de cette humiliation de la condamnation subie. Une nouvelle communion est alors vécue avec Jésus et dans ses frères rejetés. Nous comprenons mieux les dangers du pouvoir injuste et le travail difficile de la libération des opprimés. La réalité de l’Eglise est de vivre sans cesse du lavement des pieds qui la met au bon niveau dans l’exercice de l’autorité. Avec une grande Sagesse, c’est le chemin que Jésus nous propose pour marcher à sa suite et pour célébrer l’Eucharistie.

Seul, Jésus est l’Innocent. Le péché de l’origine et notre péché personnel nous fait entrer dans la culpabilité. Pauvres pécheurs, nous sommes sauvés par Jésus quand nous sommes accusés. L’accusation nous remet devant l’accusateur des frères à l’origine. L’apôtre Jean dira, « celui qui les accuse jour et nuit. » Nous sommes des êtres ambigus qui doutons sans cesse de la réalité de l’œuvre de Dieu en nous. Nous pouvons toujours croire qu’il est possible de nous sauver par nous-mêmes, en entrant dans des contestations humaines ! L’expérience montre la vanité d’une telle attitude. Jésus seul peut nous sauver dans de telles situations. Il nous faut opter pour Jésus, qui seul, peut nous sauver et pour son Salut.
C’est une œuvre de sanctification qui s’opère en nous quand Jésus nous invite à le suivre dans sa Passion par des accusations. Sauvés, libérés par lui de toute culpabilité, nous avons encore à "intégrer" le salut de Dieu dans notre propre chair. C’est par la Croix que Jésus nous propose, en le suivant dans cette agonie, de nous guérir. Les pauvres et les petits revivent d’une "manière générale" les situations d’exclusion et de rejet que Jésus a portées dans sa propre chair. Eclairés par l’Evangile, nous pouvons dire comment la Passion de Jésus s’exerce dans la vie des autres.
Eclairés par le même Evangile, nous sommes surpris de voir la difficulté que nous avons à discerner l’œuvre de la Passion dans notre propre vie ! Pourtant, tous les éléments s’y retrouvent bien. Cependant, nous vivons à une autre époque, et selon d’autres conditionnements plus psychologiques. Jésus est l’Immaculé de Dieu. Nous reconnaissant dans l’Amour que Jésus nous porte, que nous pouvons entrer dans les souffrances qui nous affectent et y découvrir l’œuvre du Salut de Dieu.

Etre « l’ami de la Croix de Jésus, » prend très doucement corps en nous. Il nous faut beaucoup de vérité pour ne pas entrer dans une attitude religieuse servile, en cachant la réalité de la vie vécue dans l’Esprit Saint. Le lien entre le « religieux » et le « psychologique » est subtil. Cette distinction nous aide à comprendre ce que nous avons à vivre ! Si Jésus nous a sauvés et qu’en lui tout est réconcilié, il nous faut beaucoup de temps pour guérir tout ce qui encombre notre esprit, nos souvenirs et notre mémoire. Plus la blessure de l’accusation est grande, plus l’incompréhension avec l’autre est profonde.
Cette blessure nous aide à entrer dans la compréhension de la blessure du cœur de Jésus. La douceur et l’humilité du cœur de Jésus est la lumière pour marcher à sa suite. La pauvreté que je trouve en moi peut être transfigurée par la pauvreté de Jésus. Nous découvrons la présence de Jésus dans la souffrance qu’il a endurée pour nous sauver.
Il nous faut reprendre le chemin de nos propres blessures. L’Evangile est une Bonne Nouvelle qui nous remet dans la Vérité de notre être. La vie que nous vivons selon le monde doit être convertie à l’Evangile. Notre humanité réagit devant le regard des autres qui juge. Or il nous faut demeurer dans le regard et l’action de Jésus qui seul nous donne de vivre selon l’intimité de son cœur. Nous voulons demeurer dans la communion à l’Esprit Saint que Jésus nous donne ! Nous entrons dans le mystère de Jésus de façon très différente selon le chemin que nous avons déjà parcouru et notre vocation. Si des différences se manifestent, il est terrible de voir l’œuvre de la jalousie, de la concurrence, de la rivalité entre les « frères. » Jésus dit : « Soyez candides comme des colombes et prudents comme des serpents. »
Nous sommes témoins qu’il se vit en Eglise des situations de domination ! Nous sommes en communion silencieuse avec nos frères, essayant d’alléger leur douleur devant certaines injustices. En découvrant le mystère de Jésus dans sa Passion, nous découvrons notre propre mystère de souffrance. Le « pouvoir » injuste n’est pas en harmonie avec l’Esprit Saint. Nous prenons conscience de la complexité dans laquelle nous sommes à partir des expériences que nous vivons dans notre chemin. Le combat spirituel est toujours à l’œuvre. Nous pouvons nous trouver devant un vrai danger de nous enliser dans un monde religieux en crise grave. Il peut paraître vrai, mais et ne l’est pas !
La conscience de ce que nous ressentons comme vrai dans notre cœur est vécue selon Jésus, dans l’Esprit Saint. Ce sont les expériences de la présence de Dieu à l’œuvre qui sont éclairantes pour nous situer dans la vérité de notre être, dans sa profondeur. En « religion, » nous pouvons vivre en dehors de nous, cherchant dans le regard des autres la réussite. Mais il nous faut découvrir notre monde intérieur, riche de la présence et de l’amour de Dieu, qui est bien plus véritable. C’est alors que nous commençons à nous construire dans le Christ et que l’Evangile devient notre terre.
Etonnante est la fidélité de Dieu
Dans cette relecture, je rends grâce à Dieu de tous ses dons. C’est seulement dans la grâce que cette relecture peut s’accomplir. Notre Dame du Mont Carmel m’a tellement montré sa tendresse maternelle. Si au départ de ma vie sur terre j’étais baigné dans mon sang, il n’a pas cessé de se répandre, dans les épreuves, tout au long de ma vie. Dans les souffrances de cette fin de vie, le sang de mon cœur de prêtre donné, est uni à celui de Jésus. Il est toujours reçu par le Saint Esprit qui veille sur moi et qui l’offre au Père ! C’est de désappropriations en désappropriations que le chemin de la rencontre avec Jésus se déroule. Il n’est pas utile de retracer toutes les étapes parcourues, je les ai déjà énumérées plus haut. Une réalité s’impose, chaque fois qu’un « gain » utile à mon épanouissement m’est donné, c’était toujours pour l’offrir à nouveau dans un sacrifice très incompréhensible pour la raison humaine. Dans la grâce, tout s’est toujours avéré être pour la plus grande gloire de Dieu, et pour ma sanctification. Je bénis Dieu de sa tendresse prévenante, de sa lumière toujours donnée et de son Amour fidèle.