Annexe 2 : Avec un peu de poésie

Le pauvre qui guérit.
Vendredi 25 août 2006 — Dernier ajout mercredi 4 décembre 2024

110. Annexe 2 : Avec un peu de poésie.

Le pauvre qui guérit.

Des images nous aident à comprendre ce qui se passe dans le monde. Il en est de même en humanité. Parler par exemple de la lune, évoque un thème biblique possible de Marie, la mère de Jésus.

Le soleil, qui peut préfigurer Jésus, ne peut pas être fixé par le regard, sous peine d’aveuglement. « Nul ne peut voir Dieu sans mourir ». Mais le reflet du soleil se donne dans la lune !

Ainsi le mystère de Marie dit beaucoup de Dieu et de notre nature humaine, capable de Dieu.

« Il était une fois » « Il y a longtemps déjà, au terme d’une année mouvementée qui avait connu le tragique Printemps de Prague et les convulsions de mai 68, les hommes s’apprêtaient à accomplir un de leurs plus vieux rêves : marcher sur la lune.

En décembre de cette année là, un vaisseau spatial s’approchait au plus près de la lune, tournait autour et en découvrait la face cachée. « Cela ressemble à du plâtre de Paris » laissa tomber l’un des astronautes. Six mois plus tard, un autre équipage se posait sur notre satellite et un premier homme marchait sur la lune. Il découvrait un monde minéral, aride et inhospitalier duquel il ramènera une moisson…de cailloux. Le rêve était accompli, on avait marché sur la lune.

Mais passée l’exaltation de l’exploit, une subtile déception demeura. Ce qui n’était qu’un petit pas pour l’homme et était sensé être un pas de géant pour l’humanité, avait, d’une certaine manière une allure de faux pas.

C’est l’Apocalypse qui fait le lien entre la lune et Marie. Si nous rêvions d’aller sur la lune, ce n’était pas seulement pour y poser le pied, mais pour découvrir le symbole de celle qui nous paraît si belle dans la nuit : Sphère d’argent ou Faucille d’or dans le champ des étoiles. C’était aussi pour rencontrer celle qui a tant d’affinités avec la terre et l’humanité, rythmant les périodes du temps, influant sur le flux et le reflux des océans, régulant le mouvement de la sève des végétaux, et, par son cycle, en secrète connivence avec le mystère intime de la vie et de la fécondité humaine.

Les hommes se sont vite désintéressés d’aller explorer l’astéroïde le plus proche ; mais ils ne se sont toujours pas lassés de rêver par une nuit de pleine lune. Elle est si belle ! Croissante, pleine, puis décroissante, ne murmure-t-elle pas quelque chose du devenir et de la destinée humaine ?

La Parole de Dieu porte notre regard sur une femme qu’elle associe à la lune ! « Un signe grandiose apparut dans le ciel, une femme (…) ayant la lune sous les pieds… » [3]. De cette même femme,la prière chrétienne chante ce que dit le Bien-aimé à sa Bien-aimée au Cantique des Cantiques : « Quelle est celle-ci qui est belle comme la lune ? » [4]. Celle-ci c’est Marie dont nous affirmons qu’elle a déjà pleinement part à la Résurrection de son fils Jésus. « Ce mystère est grand. Qui peut le comprendre ? »

Ne suffit-il pas d’y goûter en contemplant, ainsi que le suggère la liturgie, le mystère de Marie .

La lune possède une luminosité qui lui est propre alors que la lumière qu’elle émet n’est pas la sienne ; la beauté de la lune c’est de refléter la lumière du soleil. Elle reçoit la lumière du soleil, la fait sienne, et devient belle et lumineuse comme un astre dans la nuit. Un vieux conte juif évoque cependant à ce sujet quelque complication :

« Au commencement, raconte-t-il, Dieu créa le ciel et la terre. Le quatrième jour, Dieu créa les deux grands luminaires : le soleil pour le jour et la lune, entendons cette fois la Création, pour la nuit. Mais la lune fut déçue de rayonner une lumière différente de celle du soleil. Sa lumière était plus blanche.

Alors Dieu dit à la lune : « C’est clair pour moi, tu souhaiterais que je te donne plus d’importance et que je rapetisse le soleil. Mais parce que tu as des pensées hostiles contre le soleil, tu deviendras plus petite que lui et ton éclat sera moindre que le sien ». Alors la lune s’écria : « O Seigneur du monde, ce n’était qu’un mot que j’ai dit. »

Et Dieu dit : « Un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon de soleil ». Une insidieuse illusion fait donc croire à la lune qu’elle est arbitrairement privée d’une belle lumière, que la lumière accordée au soleil lui est interdite.

Rien de plus contraire à la Vérité, mais Dieu ne peut que constater que la lune, pour son malheur et par sa seule illusion d’être moindre, s’est rapetissée par rapport au soleil et que, se considérant distancée par son compagnon de création, elle se ferme à la lumière qui vient de lui et en perd son propre éclat.

Sans doute quelque sage rabbin, qui contemplait le ciel au cours de sa méditation nocturne, imagina-t-il ce conte en voyant la lune décroître de son plein et finir par disparaître dans la nuit. Le déclin de la lune ainsi conté lui donnait d’approfondir un récit biblique que nous avons en mémoire, celui d’Adam et Eve au matin de la Création.

Quand nous revenons au Livre de la Genèse, on peut penser qu’un fruit était défendu à Adam et Eve afin qu’ils ne deviennent pas comme Dieu. Alors ils étaient injustement lésés ! Or, sous l’inspiration d’un menteur, le fruit goûté, ils prirent peur, se cachèrent et n’osèrent plus vivre dans l’amitié familière de Celui dont on leur avait fait croire qu’il voulait les tenir à distance et au plus bas.

Voici qu’une nouvelle lune se mit à croître aux yeux émerveillés de notre conteur et redevint pleine, blanche, lumineuse, grand luminaire de la nuit comme le soleil est le grand luminaire du jour. Et notre rabbin d’y trouver la promesse du salut suggéré par le récit des origines quand Dieu dit à la femme qu’elle écraserait la tête de celui qui lui avait mordu le talon en la trompant odieusement.

Dieu dit à la lune : « un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon du soleil » . Un jour… Selon notre conviction de foi, ce jour est arrivé lorsqu’une femme de notre race a osé accueillir la grâce d’une lumière venue d’ailleurs et donner visibilité dans la nuit du monde à Celui qui est lumière née de la lumière, le Christ resplendissement de la lumière de Dieu

Son visage rayonne comme le soleil. A ce moment, une nouvelle lune, entendons cette fois « Marie », une humanité nouvelle, s’est mise à croître. Et quand Marie, première d’entre les disciples, s’endormit, rassasiée de jours, du dernier sommeil, sa foi, sa vie et toute sa personne étaient devenus comme la lune à son plein : reflet radieux de la lumière du Christ ressuscité, soleil des temps nouveaux.

Un psaume dit de la lune qu’elle est un témoin sûr dans le ciel ; ainsi Marie est témoin fiable et fidèle de notre destinée de disciple à l’horizon du Royaume. En elle nous voyons déjà ce que nous sommes et qui ne paraît pas encore : les enfants du Père rayonnant de la gloire du Christ ressuscité, Soleil de Pâques.

« Un signe grandiose apparut dans le ciel : une femme couronnée d’étoiles, ayant le soleil pour vêtement et la lune sous les pieds » [5]. Mystérieusement c’est le même reflet de Dieu qui scintille dans le mystère de Marie et dans celui des pauvres. Le trésor de la mère appartient à l’enfant, chante Thérèse de Lisieux.

Quand nous disons le « pauvre » c’est bien la tradition évangélique que d’abord nous évoquons. Nous savons aussi que les « pauvres » du premier testament ne sont pas loin. Cependant l’expérience qui m’a fait découvrir ce « mystère des pauvres » est celle de l’Arche, accueillant des personnes déficientes, handicapées mentalement. Pauvres de « savoir », de « pouvoir » ces Pauvres sont à l’Arche, dans l’Eglise locale ou le village qu’ils habitent.

L’ouverture peut-être faite à d’autres formes de pauvreté pour un rayonnement qui peut tellement nous surprendre. Dans la nuit de ce monde l’un comme l’autre dit beaucoup de la nature humaine, que Jésus Fils de Dieu, a revêtue. De la petitesse qu’il revêt à l’Annonciation, au resplendissement du Thabor, en passant par la défiguration de la Croix pour aboutir avec l’Ascension à la Gloire dans le ciel, l’itinéraire de Jésus trace notre chemin.

C’est de ce chemin dont nous parlons tout au long de ces pages. Jésus est le chemin qu’il a d’abord tracé dans le cœur de Marie sa mère. Pour nous, bien souvent, ce chemin se creuse dans la foi par le mystère de la Croix de nos vies. C’est donc de cette défiguration du Christ Jésus, dont notre humanité est marquée, que nous allons partir pour nous retrouver dans la joie d’une naissance nouvelle. Ce sont les personnes handicapées mentales qui ont provoqué ce choc, ce réveil, à une conscience plus grande de mon humanité dans sa faiblesse mais aussi dans sa beauté.

L’expérience de vie communautaire a, elle aussi, été un creuset pour cette découverte. En effet à l’Arche nous apprenons à vivre ensemble, personnes portant un lourd handicap mental et « assistants ». C’est alors qu’est révélé le Don de Dieu caché au cœur de chacun mais aussi beaucoup de souffrances. Il faudra du temps pour qu’émerge le meilleur des uns et des autres.

La liturgie, la Parole de Dieu, nous donnent quotidiennement d’acquérir un autre regard sur soi, sur l’autre, sur Dieu. Aussi nous est-il nécessaire avant de dire la beauté du cœur des personnes confiées à notre vigilance, d’entrer, avec la Parole de Dieu, dans ce que l’Apôtre Paul appelle « la Sagesse de la Croix de Jésus Christ. » [6].

110. Annexe 2 : Avec un peu de poésie. Le pauvre qui guérit.

Des images nous aident à comprendre ce qui se passe dans le monde. Il en est de même en humanité. Parler par exemple de la lune, évoque un thème biblique possible de Marie, la mère de Jésus.

Le soleil, qui peut préfigurer Jésus, ne peut pas être fixé par le regard, sous peine d’aveuglement. "Nul ne peut voir Dieu sans mourir". Mais le reflet du soleil se donne dans la lune ! Ainsi le mystère de Marie dit beaucoup de Dieu et de notre nature humaine, capable de Dieu.

« Il était une fois » « Il y a longtemps déjà, au terme d’une année mouvementée qui avait connu le tragique Printemps de Prague et les convulsions de mai 68, les hommes s’apprêtaient à accomplir un de leurs plus vieux rêves : marcher sur la lune. En décembre de cette année là, un vaisseau spatial s’approchait au plus près de la lune, tournait autour et en découvrait la face cachée. « Cela ressemble à du plâtre de Paris » laissa tomber l’un des astronautes. Six mois plus tard, un autre équipage se posait sur notre satellite et un premier homme marchait sur la lune. Il découvrait un monde minéral, aride et inhospitalier duquel il ramènera une moisson…de cailloux. Le rêve était accompli, on avait marché sur la lune. Mais passée l’exaltation de l’exploit, une subtile déception demeura. Ce qui n’était qu’un petit pas pour l’homme et était sensé être un pas de géant pour l’humanité, avait, d’une certaine manière une allure de faux pas. C’est l’Apocalypse qui fait le lien entre la lune et Marie. Si nous rêvions d’aller sur la lune, ce n’était pas seulement pour y poser le pied, mais pour découvrir le symbole de celle qui nous paraît si belle dans la nuit : Sphère d’argent ou Faucille d’or dans le champ des étoiles. C’était aussi pour rencontrer celle qui a tant d’affinités avec la terre et l’humanité, rythmant les périodes du temps, influant sur le flux et le reflux des océans, régulant le mouvement de la sève des végétaux, et, par son cycle, en secrète connivence avec le mystère intime de la vie et de la fécondité humaine. Les hommes se sont vite désintéressés d’aller explorer l’astéroïde le plus proche ; mais ils ne se sont toujours pas lassés de rêver par une nuit de pleine lune. Elle est si belle ! Croissante, pleine, puis décroissante, ne murmure-t-elle pas quelque chose du devenir et de la destinée humaine ? La Parole de Dieu porte notre regard sur une femme qu’elle associe à la lune ! « Un signe grandiose apparut dans le ciel, une femme (…) ayant la lune sous les pieds… » [3]. De cette même femme,la prière chrétienne chante ce que dit le Bien-aimé à sa Bien-aimée au Cantique des Cantiques : « Quelle est celle-ci qui est belle comme la lune ? » [4]. Celle-ci c’est Marie dont nous affirmons qu’elle a déjà pleinement part à la Résurrection de son fils Jésus. « Ce mystère est grand. Qui peut le comprendre ? » Ne suffit-il pas d’y goûter en contemplant, ainsi que le suggère la liturgie, le mystère de Marie . La lune possède une luminosité qui lui est propre alors que la lumière qu’elle émet n’est pas la sienne ; la beauté de la lune c’est de refléter la lumière du soleil. Elle reçoit la lumière du soleil, la fait sienne, et devient belle et lumineuse comme un astre dans la nuit. Un vieux conte juif évoque cependant à ce sujet quelque complication : « Au commencement, raconte-t-il, Dieu créa le ciel et la terre. Le quatrième jour, Dieu créa les deux grands luminaires : le soleil pour le jour et la lune, entendons cette fois la Création, pour la nuit. Mais la lune fut déçue de rayonner une lumière différente de celle du soleil. Sa lumière était plus blanche. Alors Dieu dit à la lune : « C’est clair pour moi, tu souhaiterais que je te donne plus d’importance et que je rapetisse le soleil. Mais parce que tu as des pensées hostiles contre le soleil, tu deviendras plus petite que lui et ton éclat sera moindre que le sien ». Alors la lune s’écria : « O Seigneur du monde, ce n’était qu’un mot que j’ai dit. » Et Dieu dit : « Un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon de soleil ». Une insidieuse illusion fait donc croire à la lune qu’elle est arbitrairement privée d’une belle lumière, que la lumière accordée au soleil lui est interdite. Rien de plus contraire à la Vérité, mais Dieu ne peut que constater que la lune, pour son malheur et par sa seule illusion d’être moindre, s’est rapetissée par rapport au soleil et que, se considérant distancée par son compagnon de création, elle se ferme à la lumière qui vient de lui et en perd son propre éclat. Sans doute quelque sage rabbin, qui contemplait le ciel au cours de sa méditation nocturne, imagina-t-il ce conte en voyant la lune décroître de son plein et finir par disparaître dans la nuit. Le déclin de la lune ainsi conté lui donnait d’approfondir un récit biblique que nous avons en mémoire, celui d’Adam et Eve au matin de la Création. Quand nous revenons au Livre de la Genèse, on peut penser qu’un fruit était défendu à Adam et Eve afin qu’ils ne deviennent pas comme Dieu. Alors ils étaient injustement lésés ! Or, sous l’inspiration d’un menteur, le fruit goûté, ils prirent peur, se cachèrent et n’osèrent plus vivre dans l’amitié familière de Celui dont on leur avait fait croire qu’il voulait les tenir à distance et au plus bas. Voici qu’une nouvelle lune se mit à croître aux yeux émerveillés de notre conteur et redevint pleine, blanche, lumineuse, grand luminaire de la nuit comme le soleil est le grand luminaire du jour. Et notre rabbin d’y trouver la promesse du salut suggéré par le récit des origines quand Dieu dit à la femme qu’elle écraserait la tête de celui qui lui avait mordu le talon en la trompant odieusement. Dieu dit à la lune : « un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon du soleil » . Un jour… Selon notre conviction de foi, ce jour est arrivé lorsqu’une femme de notre race a osé accueillir la grâce d’une lumière venue d’ailleurs et donner visibilité dans la nuit du monde à Celui qui est lumière née de la lumière, le Christ resplendissement de la lumière de Dieu Son visage rayonne comme le soleil. A ce moment, une nouvelle lune, entendons cette fois « Marie », une humanité nouvelle, s’est mise à croître. Et quand Marie, première d’entre les disciples, s’endormit, rassasiée de jours, du dernier sommeil, sa foi, sa vie et toute sa personne étaient devenus comme la lune à son plein : reflet radieux de la lumière du Christ ressuscité, soleil des temps nouveaux. Un psaume dit de la lune qu’elle est un témoin sûr dans le ciel ; ainsi Marie est témoin fiable et fidèle de notre destinée de disciple à l’horizon du Royaume. En elle nous voyons déjà ce que nous sommes et qui ne paraît pas encore : les enfants du Père rayonnant de la gloire du Christ ressuscité, Soleil de Pâques. « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une femme couronnée d’étoiles, ayant le soleil pour vêtement et la lune sous les pieds » [5]. Mystérieusement c’est le même reflet de Dieu qui scintille dans le mystère de Marie et dans celui des pauvres. Quand nous disons « pauvre » c’est bien la tradition évangélique que d’abord nous évoquons. Nous savons aussi que les « pauvres » du premier testament ne sont pas loin. Cependant l’expérience qui m’a fait découvrir ce « mystère des pauvres » est celle de l’Arche, accueillant des personnes déficientes, handicapées mentalement. Pauvres de « savoir », de « pouvoir » ces Pauvres sont à l’Arche, dans l’Eglise locale ou le village qu’ils habitent. L’ouverture peut-être faite à d’autres formes de pauvreté pour un rayonnement qui peut tellement nous surprendre. Dans la nuit de ce monde l’un comme l’autre dit beaucoup de la nature humaine, que Jésus Fils de Dieu, a revêtue. De la petitesse qu’il revêt à l’Annonciation, au resplendissement du Thabor, en passant par la défiguration de la Croix pour aboutir avec l’Ascension à la Gloire dans le ciel, l’itinéraire de Jésus trace notre chemin. C’est de ce chemin dont nous parlons tout au long de ces pages. Jésus est le chemin qu’il a d’abord tracé dans le cœur de Marie sa mère. Pour nous, bien souvent, ce chemin se creuse dans la foi par le mystère de la Croix de nos vies. C’est donc de cette défiguration du Christ Jésus, dont notre humanité est marquée, que nous allons partir pour nous retrouver dans la joie d’une naissance nouvelle. Ce sont les personnes handicapées mentales qui ont provoqué ce choc, ce réveil, à une conscience plus grande de mon humanité dans sa faiblesse mais aussi dans sa beauté. L’expérience de vie communautaire a, elle aussi, été un creuset pour cette découverte. En effet à l’Arche nous apprenons à vivre ensemble, personnes portant un lourd handicap mental et « assistants ». C’est alors qu’est révélé le Don de Dieu caché au cœur de chacun mais aussi beaucoup de souffrances. Il faudra du temps pour qu’émerge le meilleur des uns et des autres. La liturgie, la Parole de Dieu, nous donnent quotidiennement d’acquérir un autre regard sur soi, sur l’autre, sur Dieu. Aussi nous est-il nécessaire avant de dire la beauté du cœur des personnes confiées à notre vigilance, d’entrer, avec la Parole de Dieu, dans ce que l’Apôtre Paul appelle « la Sagesse de la Croix de Jésus Christ. » [6].

B.b. Le dire avec Poésie.

Il était une fois « Il y a longtemps déjà, au terme d’une année mouvementée qui avait connu le tragique Printemps de Prague et les convulsions de mai 68, les hommes s’apprêtaient à accomplir un de leurs plus vieux rêves : marcher sur la lune. En décembre de cette année là, un vaisseau spatial s’approchait au plus près de la lune, tournait autour et en découvrait la face cachée. « Cela ressemble à du plâtre de Paris » laissa tomber l’un des astronautes. Six mois plus tard, un autre équipage se posait sur notre satellite et un premier homme marchait sur la lune. Il découvrait un monde minéral, aride et inhospitalier duquel il ramènera une moisson…de cailloux. Le rêve était accompli, on avait marché sur la lune. Mais passée l’exaltation de l’exploit, une subtile déception demeura. Ce qui n’était qu’un petit pas pour l’homme et était sensé être un pas de géant pour l’humanité, avait, d’une certaine manière une allure de faux pas. Belle comme la Lune C’est l’Apocalypse qui fait le lien entre la lune et Marie. Si nous rêvions d’aller sur la lune, ce n’était pas seulement pour y poser le pied, mais pour découvrir le symbole de celle qui nous paraît si belle dans la nuit : Sphère d’argent ou Faucille d’or dans le champ des étoiles. C’était aussi pour rencontrer celle qui a tant d’affinités avec la terre et l’humanité, rythmant les périodes du temps, influant sur le flux et le reflux des océans, régulant le mouvement de la sève des végétaux, et, par son cycle, en secrète connivence avec le mystère intime de la vie et de la fécondité humaine. Les hommes se sont vite désintéressés d’aller explorer l’astéroïde le plus proche ; mais ils ne se sont toujours pas lassés de rêver par une nuit de pleine lune. Elle est si belle ! Croissante, pleine, puis décroissante, ne murmure-t-elle pas quelque chose du devenir et de la destinée humaine ? La Parole de Dieu porte notre regard sur une femme qu’elle associe à la lune ! « Un signe grandiose apparut dans le ciel, une femme (…) ayant la lune sous les pieds… » [3]. De cette même femme,la prière chrétienne chante ce que dit le Bien-Aimé à sa Bien-Aimée au Cantique des Cantiques : « Quelle est celle-ci qui est belle comme la lune ? » [4]. Celle-ci c’est Marie dont nous affirmons qu’elle a déjà pleinement part à la Résurrection de son fils Jésus. « Ce mystère est grand. Qui peut le comprendre ? » Faut-il le comprendre ? Ne suffit-il pas d’y goûter en contemplant, ainsi que le suggère la liturgie, la lune et son énigme ?. La lune possède une luminosité qui lui est propre alors que la lumière qu’elle émet n’est pas la sienne ; la beauté de la lune c’est de refléter la lumière du soleil. Elle reçoit la lumière du soleil, la fait sienne, et devient belle et lumineuse comme un astre dans la nuit. Un vieux conte juif évoque cependant à ce sujet quelque complication : « Au commencement, raconte-t-il, Dieu créa le ciel et la terre. Le quatrième jour, Dieu créa les deux grands luminaires : le soleil pour le jour et la lune pour la nuit. Mais la lune fut déçue de rayonner une lumière différente de celle du soleil. Sa lumière était plus blanche. Alors Dieu dit à la lune : « C’est clair pour moi, tu souhaiterais que je te donne plus d’importance et que je rapetisse le soleil. Mais parce que tu as des pensées hostiles contre le soleil, tu deviendras plus petite que lui et ton éclat sera moindre que le sien ». Alors la lune s’écria : « O Seigneur du monde, ce n’était qu’un mot que j’ai dit. Dois-je recevoir pour ce mot une telle punition ? » Et Dieu dit : « Un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon de soleil ». Une insidieuse illusion fait donc croire à la lune qu’elle est arbitrairement privée d’une belle lumière, que la lumière accordée au soleil lui est interdite. Rien de plus contraire à la Vérité, mais Dieu ne peut que constater que la lune, pour son malheur et par sa seule illusion d’être moindre, s’est rapetissée par rapport au soleil et que, se considérant distancée par son compagnon de création, elle se ferme à la lumière qui vient de lui et en perd son propre éclat. Sans-doute quelque sage rabbin, qui contemplait le ciel au cours de sa méditation nocturne, imagina-t-il ce conte en voyant la lune décroître de son plein et finir par disparaître dans la nuit. Le déclin de la lune ainsi conté lui donnait d’approfondir un récit biblique que nous avons en mémoire, celui d’Adam et Eve au matin de la Création. Une perfide insinuation. Quand nous revenons au Livre de la Genese, on peut penser qu’un fruit était défendu à Adam et Eve afin qu’ils ne deviennent pas comme Dieu. Alors ils étaient injustement lésés ! Or il n’en etait rien mais, Le fruit goûté, ils prirent peur, se cachèrent et n’osèrent plus vivre dans l’amitié familière de Celui dont on leur avait fait croire qu’il voulait les tenir à distance et au plus bas. Voici qu’une nouvelle lune se mit à croître aux yeux émerveillés de notre conteur et redevint pleine, blanche, lumineuse, grand luminaire de la nuit comme le soleil est le grand luminaire du jour. Et notre rabbin d’y trouver la promesse du salut suggéré par le récit des origines quand Dieu dit à la femme qu’elle écraserait la tête de celui qui lui avait mordu le talon en la trompant odieusement. Dieu dit à la lune : « un jour tu redeviendras aussi grande que le soleil et le rayon de lune sera comme le rayon du soleil » . Un jour… Selon notre conviction de foi, ce jour est arrivé lorsqu’une femme de notre race a osé accueillir la grâce d’une lumière venue d’ailleurs et donner visibilité dans la nuit du monde à Celui qui est lumière née de la lumière. le Christ resplendissement de la lumière de Dieu Son visage rayonne comme le soleil. A ce moment, une nouvelle lune, une humanité nouvelle, s’est mise à croître. Et quand Marie, première d’entre les disciples, s’endormit, rassasiée de jours, du dernier sommeil, sa foi, sa vie et toute sa personne étaient devenus comme la lune à son plein : reflet radieux de la lumière du Christ ressuscité, soleil des temps nouveaux. Un psaume dit de la lune qu’elle est un témoin sûr dans le ciel ; ainsi Marie est témoin fiable et fidèle de notre destinée de disciple à l’horizon du Royaume. En elle nous voyons déjà ce que nous sommes et qui ne paraît pas encore : les enfants du Père rayonnant de la gloire du Christ ressuscité, Soleil de Pâques. « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une femme couronnée d’étoiles, ayant le soleil pour vêtement et la lune sous les pieds » [5]. Mystérieusement c’est le même reflet de Dieu qui scintille dans le mystère de Marie et dans Celui des pauvres. Quand nous disons « pauvre » c’est bien la tradition évangélique que d’abord nous évoquons. Nous savons aussi que les « pauvres » du premier testament ne sont pas loin. Cependant l’expérience qui m’a fait découvrir ce « mystère des pauvres » est celle de l’Arche, accueillant des personnes déficientes, handicapées mentalement. Le rayonnement de ces pauvres Pauvres de « savoir », de « pouvoir » ces Pauvres sont à l’Arche, dans l’Eglise locale ou le village qu’ils habitent . L’ouverture peut-être faite à d’autres formes de pauvreté pour un rayonnement qui peut tellement nous surprendre. Dans la nuit de ce monde l’un comme l’autre disent beaucoup de la nature humaine, que Jésus Fils de Dieu, a revêtue. De la petitesse qu’il revêt à l’Annonciation, au resplendissement du Thabor, en passant par la défiguration de la Croix pour aboutir avec l’Ascension à la Gloire dans le ciel, l’itinéraire de Jésus trace notre chemin. Un nouveau Chemin C’est de ce chemin dont il va être question tout au long de ces pages. Jésus est le chemin qu’il a d’abord tracé dans le cœur de Marie sa mère. Pour nous, bien souvent, ce chemin se creuse dans la foi par le mystère de la Croix de nos vies. C’est donc de cette défiguration du Christ Jésus, dont notre humanité est marquée, que nous allons partir pour nous retrouver dans la joie d’une naissance nouvelle. Ce sont les personnes handicapées mentales qui ont provoqué ce choc, ce réveil, à une conscience plus grande de mon humanité dans sa faiblesse mais aussi dans sa beauté. L’expérience de vie communautaire a, elle aussi, été un creuset pour cette découverte. En effet à l’Arche nous apprenons à vivre ensemble, personnes portant un lourd handicap mental et « assistants ». C’est alors qu’est révélé le Don de Dieu caché au cœur de chacun mais aussi beaucoup de souffrances. Il faudra du temps pour qu’émerge le meilleur des uns et des autres. La liturgie, la Parole de Dieu, nous donnent quotidiennement d’acquérir un autre regard sur soi, sur l’autre, sur Dieu. Aussi nous est-il nécessaire avant de dire la beauté du cœur des personnes confiées à notre vigilance, d’entrer, avec la Parole de Dieu, dans ce que l’Apôtre Paul appelle « la Sagesse de la Croix de Jésus Christ. » [6] .

Vos témoignages

  • Annexe 2 : Avec un peu de poésie. 10 septembre 2017 21:12, par Corentin

    C’est extrêmement profond Père, ce que vous écrivez sur votre expérience, à la lumière de Marie, la Parole de Dieu, la liturgie, le Seigneur et les ’pauvres’..peut-être est-ce comme une véritable théologie…

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