Ouverture vers un Nouvel Amour. Dans l’humanité et dans l’Eglise, le mystère de l’amour infini de Dieu a besoin du temps pour se révéler. Ainsi le mystère de l’Annonciation de l’ange à Marie, s’est révélée à l’humanité quand l’Église, était « capable » de porter et de sonder cet ineffable amour de Dieu pour Elle. Il a fallu d’abord vivre de la résurrection de Jésus pour « comprendre » le don toujours nouveau de Dieu offert aux hommes. C’est l’Annonciation qui est, pour nous, la Révélation que l’Amour divin habite notre humanité. En Jésus, “conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge Marie,” [92] se déploie une humanité nouvelle qui est appelée à vivre un amour nouveau, divin. Puisque Marie a consenti à former en elle l’humanité de Jésus, grâce à son humble acceptation, elle demeure le lieu d’origine auquel nous devons revenir pour accueillir cette vie nouvelle. Ce “milieu divin” préparé par le Saint-Esprit dès l’origine est « la figure » de toute naissance a la vie divine. Le lieu de la transformation de l’amour humain dans l’amour divin.
C’est l’Annonciation qui est, pour nous, la Révélation que l’Amour divin habite notre humanité. Comment parler de cette “transformation” de l’Amour dans notre Humanité ? Est-ce une assimilation, une assomption de l’amour humain en Amour divin ? C’est en Marie qu’à l’origine, s’est opérée cette transformation. Jésus, vrai Dieu et vrai Homme réalise mystérieusement l’unité. Pour Marie, cette transformation s’est opérée à travers la souffrance, la mort et la résurrection de Jésus. Les pauvres, les souffrants, les petits passent par ce chemin de souffrance et de mort continuellement. A travers cette mort à soi-même qui leur est imposée par le handicap, les pauvres de I’Arche passent par les souffrances qui assimilent leur vie à la vie de Jésus. Mendiants d’amour, d’une attention humaine, ils sont de plus en plus désappropriés d’eux-mêmes. Marie devient leur modèle et l’Esprit Saint peut habiter leur cœur. Les sacrements de I’Église, en particulier l’Eucharistie, opèrent ce passage du Nouvel Amour qui unit l’aimant à l’aimé. C’est “pris” dans cette relation unique du pauvre à Dieu que l’assistant de l’Arche découvre une nouvelle manière de vivre, une nouvelle manière d’aimer toute désintéressée. Il peut, là, être engendré (ressuscité) à la vie divine, à l’Amour divin qui vient transformer son cœur. Le mystère de Jésus, nouvel Adam et de Marie, nouvelle Ève est nécessaire pour comprendre cet “engendrement” nouveau à la Vie. Il faut surtout y entrer. Nous osons affirmer que les pauvres y entrent d’abord, et nous avec eux et par eux, dans l’Esprit Saint. C’est ainsi que se donne à vivre l’enfantement à une vie nouvelle, à un Nouvel Amour.
Marie devient notre modèle et l’Esprit Saint peut habiter notre cœur. II faut se laisser “prendre” par la dynamique toute nouvelle de l’Incarnation. Dans les foyers de l’arche, le pauvre est au cœur. La condition pour partager cette vie de foyer est que l’assistant reconnaisse cette dignité du pauvre. Alors il a part à ces “noces” de l’amour qui consiste à reconnaître et accueillir sa propre pauvreté. Cela se réalise dans l’accueil de la pauvreté de l’autre. C’est accepter de crier sans cesse pour recevoir l’amour nécessaire à la vie, qu’il soit humain ou qu’il soit divin. Le Cœur de Jésus et de Marie reste la fournaise originelle où s’enracine et prend corps désormais tout Amour nouveau pour une nouvelle humanité. C’est là que l’Esprit Saint se donne. L’Évangile du bon Samaritain montre bien le premier pas nécessaire à cette démarche. “II le vit et fut saisi de compassion” [93]. C’est donc accepter d’être touché, vulnérable pour l’autre et par l’autre. Etre mis en contact avec son propre cri, sa propre blessure, son propre manque pour crier vers Dieu en vérité. L’Esprit Saint, le Paraclet sera la réponse immédiate. La nouvelle humanité que Marie inaugure dans l’Incarnation commencera à prendre corps, à prendre vie dans notre vie.
Dans le Cœur de Jésus et de Marie s’enracine et prend corps tout Amour nouveau. Ce déclic, cette rencontre est fréquente dans la vie des saints. Pensons au baiser aux lépreux de François d’Assise. Quelqu’un me témoignait comment, à la gare, la détresse muette d’un homme dénué de tout, qui semblait seul au monde, l’a frappée. Elle ne pouvait rien faire, qu’être là. C’est dans cette pauvreté, disait elle, et "pour moi" qui ne pouvais rien faire, que m’était confié ce pauvre inoubliable, en qui j’ai l’évidence d’avoir rencontré Jésus lui-même. Ou encore cet autre témoignage : “Cette tendresse immense pour ce mourant en qui subitement j’ai reconnu l’appel irrésistible d’une souffrance qui criait vers l’ultime amour d’une femme et qui m’a pour un instant inoubliable assimilée à Marie.” Ces témoignages sont fréquents. Ce sont des expériences de cette sorte, ces transmutations d’amour humano divin qui se jouent à I’Arche entre assistants et assistés. Les souffrants qu’ils accompagnent font passer les assistants d’un amour de bienveillance, d’une “pitié” toute humaine et généreuse, à un autre Amour tout gratuit, sans limite qui vient d’ailleurs en se donnant de l’intérieur même du cœur humain. Bientôt nous reconnaissons l’Amour divin. Ainsi celui qui exerce la miséricorde, qui devient le prochain du pauvre et du blessé qui a crié vers lui, est du même coup, le prochain de Jésus lui-même.