Nicolas, le cri de la solitude qui donne vie.

Mercredi 27 novembre 2024 — Dernier ajout vendredi 18 août 2017

Nicolas, le cri de la solitude qui donne vie. Nicolas est un homme handicapé mental de trente-neuf ans. II a été accueilli à l‘Arche à l’âge de dix-neuf ans. II a beaucoup souffert de l’instabilité de son milieu familial, ce qui a laissé des séquelles très profondes dans ses capacités relationnelles. Les familles qu’il rencontre sont importantes pour lui. Il aime beaucoup jouer avec les enfants. Cependant Nicolas est une personne qui souffre d’une très forte fragilité affective. Elle s’exprime souvent par de grosses crises de violence, mais il peut vivre aussi avec une grande douceur. Sa fidélité à Jésus en ces années, a été le roc qui a permis une harmonisation et une unification de sa personne. Tout le travail fait pendant ces vingt ans à l‘Arche a porté sur une réconciliation avec sa propre histoire, sur la construction d’un nouveau réseau relationnel stable à l’intérieur même de la communauté, sur une prise de conscience de sa propre réalité et identité. L’expression d’une certaine paternité (il est parrain de baptême d’une personne profondément handicapée dont il aime s’occuper avec beaucoup de soin) a canalisé son affectivité. Sa fidélité à Jésus en ces années, a été le roc qui a permis une harmonisation et une unification de sa personne. Nicolas reste toujours une personne extrêmement fragile qui a besoin de repères, car toute ambivalence réveille en lui, le monde brisé de son enfance.

Comment ne pas être ému de compassion devant Nicolas qui pleurait à chaudes larmes parce qu’il avait compris qu’il ne pourrait pas se marier ? “Pourquoi, disait-il, un tel ou une telle ont le droit de se marier ? Et moi ?” C’était vraiment la profondeur de son cœur qui s’exprimait là et je me trouvais vraiment sans réponse. La seule “chose” que je pouvais lui dire, c’est que j’étais comme lui, célibataire, et que je n’étais pas si malheureux, que nous avions déjà fait route ensemble comme cela et que nous allions continuer. Simplement je pouvais lui dire combien il était aimé. Ma présence bien plus que mes paroles apaisait Nicolas. Il me faisait toucher là quelque chose de véritablement douloureux. Il ne me serait pas venu à l’esprit de lui parler de son papa qui avait plusieurs femmes, ce dont Nicolas souffrait par ailleurs, et encore bien moins de sa maman qu’il ne connaissait pas, ni de sa première belle-mère qui était aujourd’hui abandonnée. Ce manque de stabilité affective jouait, je pense, dans le désir de Nicolas de fonder un foyer. Alors je lui parlais plutôt de ses nombreuses amies à I’Arche, avec un petit sourire complice. Ce à quoi Nicolas me rétorquait : ” elle ne va pas se marier, elle ? Je pouvais le rassurer pour certaines mais pas pour toutes. Alors la souffrance de Nicolas se réveillait : “Pourquoi elle et pas moi ?” Même si je savais que Nicolas aime beaucoup Jésus et Marie, il m’était difficile d’aborder sa souffrance sur le plan religieux. Simplement je pouvais lui dire combien il était aimé.

C’est bien Jésus lui-même qui appelle chacun de ceux qui prennent le chemin d’une intimité unique avec Lui. Je savais par résonance que cet amour passait par mon cœur. La seule consolation que je pouvais donner à Nicolas, c’est que j’étais comme lui, non marié, que j’étais heureux, et que je pouvais choisir cet état pour Jésus et pour Nicolas dans la communauté. Le temps passe et cette détresse se trouve recouverte par d’autres préoccupations, mais je sais qu’à cette profondeur de son cœur sommeille une blessure. Nous touchons ici la limite de la relation avec le pauvre : Dieu seul peut combler son cœur. Il est aussi, pour l’assistant appelé au célibat, une icône. C’est bien Jésus qui appelle chacun de ceux qui vivent ce chemin dans une intimité unique avec lui seul. II nous faut entrer dans le cœur ouvert de Jésus pour comprendre la fécondité donnée à tous les pauvres.

Le cri du pauvre peut réveiller dans le cœur de l’assistant le doute par rapport à son choix de vie. Se laisser provoquer par le cri de Nicolas, ce serait trahir l’appel de Jésus qui peut passer par le cri de Nicolas. Ce doute surmonté renouvelle ma foi, et cette foi renouvelée va reposer sur Nicolas qui l’a éveillée, sous la forme d’une paix nouvelle : il aura confirmation qu’il n’est pas seul ; il éprouvera la sécurité de l’Amour dans cette communauté que nous formons. Il est doux de regarder Nicolas contempler la Croix de Jésus. Il ne manque pas de signaler Marie au pied de cette Croix. Il est là, rejoint dans sa solitude. Jésus est quelqu’un qui a souffert et qui sait son angoisse. Alors Nicolas repart confiant et donne ainsi confiance à ceux qui marchent avec lui. C’est sa fécondité. La fécondité des pauvres trouve sa Source dans l’Unique Pauvre qui, dans son humanité crucifiée, donne l’Esprit Saint « Il vous est bon que je m’en aille (crucifixion) afin que je vous envoie le Paraclet » [77], l’Esprit Saint. II nous faut contempler le cœur ouvert de Jésus à la Croix pour comprendre la fécondité donnée à tous les pauvres. Ainsi germe une nouvelle fécondité en même temps qu’une nouvelle communion dans l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est l’acteur qui permet toute sanctification. Les saints, les pauvres, sont le témoignage vivant de cette transformation. C’est cet Esprit Saint qui portait Jésus dans sa Passion, et Marie dans sa Compassion, et Jean dans sa Mission. Il porte aujourd’hui encore la Mission de tous les pauvres, qui, bien souvent, ne savent pas qu’ils contiennent un tel trésor, une si Bonne Nouvelle. Cet Amour, vie de leur vie, sera manifesté dans toutes leurs relations, mais bien souvent à leur insu. Ainsi prend corps ce Peuple, qui est l’Église de Jésus.

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