Laurent, révélation du Mystère de la présence.

Jeudi 28 novembre 2024

Laurent ou le Mystère de la présence.

Le pauvre qui guérit. Laurent est arrivé à l’Arche à l’âge de dix-huit ans, après être passé quinze ans à l’hôpital psychia- trique. Il avait un très lourd handicap mental et physique. Ses parents ont eu beaucoup de mal à regarder Laurent tel qu’il était. Laurent n’a jamais pu marcher ni manger seul. II a vécu dans un état d’extrême dépendance. Petit prophète silencieux, il a rejoint Jésus le mercredi des Cendres 1991. Laurent, tout mou sur son fauteuil roulant, les mains retournées et la tête révulsée, avec son regard hagard et cependant son si beau visage, pourrait faire penser à un « Christ torturé sur le poteau ».

Il est impossible de retenir son regard, déjà il est reparti vers un ailleurs ! L’assistant qui entre en contact avec le corps de Laurent pour les soins corporels et la toilette, ne peut pas ne pas s’interroger sur sa personne. Qui est Laurent ? De temps en temps, son regard, si profond et si mystérieux, plonge dans la réalité qui l’environne, et si je me suis trouvé une fois dans son champ visuel, je ne peux plus l’oublier. Mais il est impossible de retenir ce regard, déjà il est reparti vers un ailleurs. Certes Laurent appelle la présence, la constance auprès de lui, mais peut-il déterminer quelqu’un à le suivre sur son chemin de solitude ? II ne demande rien. Pourtant il est sensible à son entourage et la présence qu’on éprouve près de lui est celle qu’on éprouve à la chapelle : quelqu’un qui est là, mais qui est caché. Comment le découvrir, entrer en relation avec lui ? La vie de Laurent prend sens uniquement à la lecture de la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.

Laurent appelle la présence, la constance auprès de lui. De fait, I’Évangile peut vraiment devenir vivant dans le sillage de Laurent. Il est étonnant d’entendre les réflexions de ceux qui accompagnent les personnes handicapées comme Laurent, à l’Eucharistie. Tous sont unanimes pour dire comment la messe est alors vécue autrement par eux : une intensité nouvelle de la présence de Jésus, une compassion unique qui se donne et qui permet une communion jusqu’alors inconnue.

La vie de Laurent prend sens uniquement à la lecture de la Bonne Nouvelle. Que l’assistant puisse ou non suivre la célébration à cause de la présence à assurer auprès du pauvre qu’il accompagne, une présence au mystère de Dieu célébré sur l’autel lui est donnée et cette présence est reçue par lui au niveau du cœur de la personne qu’il accompagne. Ainsi est découverte une nouvelle manière de servir Jésus et de servir le pauvre, unis dans l’expérience d’une vie commune qui prend alors une autre épaisseur. Oui, Dieu est là, présent. Cette expérience si forte peut provoquer le don de soi à Jésus dans son Église, qui devient alors I’Église de Laurent et de ceux qui participent comme lui si intimement au mystère de Jésus. II y a une manière privilégiée d’assurer une présence auprès de Laurent, un peu comme les parents qui se “consacrent” naturellement à leur enfant. Par cette présence fidèle et totale, ils lui permettent de puiser en eux la sève qui leur permettra, un jour, de se dépasser. N’y a-t-il pas là quelque chose de l’ordre de la “maternité paternité” spirituelle qui rejoint Laurent dans le développement intégral de ce qu’il est ?

Cette expérience si forte peut provoquer le don de soi à Jésus dans son Église En demandant silencieusement, pour lui cette présence totale de l’assistant, Laurent peut provoquer celui-ci au don total de soi : “Est-ce que j’ai du prix à tes yeux ? Es-tu capable, pour marcher avec moi, de renoncer à toi et de suivre un chemin de Bonne Nouvelle cachée, pour le Royaume ? Si j’ai pour toi du prix là, alors la vie va commencer à avoir du sens et les paroles de l’Évangile ne sonneront plus creux. ” [94] Is 43,4. Cet amour véritablement “maternel paternel” rejoint l’autre, « l’handicapé” » au cœur de sa vie si démunie et va susciter chez l’assistant des forces de don, de générosité insoupçonnée au départ. Certes, là encore, un équilibre doit être trouvé. Le “vivre avec” ne va pas combler toute l’ouverture provoquée par la personne accueillie. II reste que Laurent aura contribué à enfanter un assistant à la vie en Christ, et cet assistant pourra aussi contribuer à nouveau à enfanter Laurent à son humanité plénière et épanouie. Me laisser entraîner par l’Amour que provoque la “présence” de Laurent m’oblige à revenir à la source de la Révélation de l’Amour, le Don de Dieu, l’Esprit Saint. Ce chemin me conduit à l’Annonciation, l’origine de la rencontre inoubliable de Marie.

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