« Quand Jésus fut près de Jérusalem, en voyant la ville, il pleura sur elle ; il disait : « Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui peut te donner la paix ! Mais hélas, cela est resté caché à tes yeux. »

Les larmes de Jésus prennent leur sens comme une prière personnelle et comme une prédication prophétique. Jésus pleure ce que Jérusalem devrait pleurer : l’occasion perdue de rencontrer son Dieu : "Si toi aussi tu avais compris, en ce jour, ce qui mène à la paix !" Nous contemplons Jésus pleurant devant Jérusalem. Cette manifestation de tendresse nous émeut. Jésus essaie de nous rejoindre, de nous toucher de toutes manières. « Aujourd’hui écouterez-vous ma voix ? » Elle est mystérieuse « l’impuissance » de Dieu qui respecte notre liberté ! Il voit l’endurcissement de notre cœur ! Ce qui arrache des larmes à Jésus, c’est le contraste violent entre l’offre de Dieu à Jérusalem, splendide, puissante, et la réponse de Jérusalem qui ne reconnaît pas l’Envoyé de Dieu. Jésus perçoit, intensément, l’enthousiasme des disciples qui l’acclament dans la descente du Mont des Oliviers : "Béni soit celui qui vient," et en même temps il voit devant lui Jérusalem raidie dans ses remparts et dans son refus. Mystère de notre liberté, de notre amour-propre, de cette volonté propre qui manifeste notre « moi. » Nous experimentons de multiples manières cette résistance farouche qui tient Dieu en échec.
« Oui, il arrivera pour toi des jours où tes ennemis viendront mettre le siège devant toi, t’encercleront et te presseront de tous côtés ; » Jésus, le Messie, est venu avec son message de paix, avec ses mains tendues pour la guérison, et sa propre ville n’a pas reconnu en lui la paix de Dieu offerte en visage d’homme. Cela a été "caché à ses yeux," parce qu’elle a détourné son regard de ce que Dieu lui donnait à voir. Elle a manqué le moment favorable qu’elle espérait depuis des siècles : "Tu n’as pas reconnu le moment où tu as été visitée." La paix qu’offre Jésus n’est pas seulement la concorde, la sécurité matérielle ou l’absence d’ennuis ; elle englobe toujours un achèvement et une plénitude qui ne peuvent être reçus que dans l’harmonie avec Dieu. Nous entendons quelquefois les réflexions d’un parent à son enfant : « Mais, enfin écoute ce que je te dis ! » Et l’enfant qui n’écoute pas, va au désastre. C’est mystérieux que Dieu puisse être mis en échec par notre désobéissance. Jésus le manifestera sur la croix, là, il sera vainqueur par son Amour. Nous sommes mis devant le désir de Dieu pour nous, Dieu est Amour. Jésus a des paroles fortes, il a des gestes de puissance quand il chasse les vendeurs du Temple. Il y a aussi dans nos vies des lieux où Dieu agit avec force. Mais nous savons par expérience que la conversion ne suit pas forcément. Saint Ignace de Loyola, le maitre du discernement, dira que « c’est l’ennemi de la nature humaine qui est à l’œuvre derrière notre mauvaise volonté. » Nous laissons si peu de prise à Jésus doux et humble.
« Si tu avais su reconnaître le moment où Dieu te visitait ! » C’est très étonnant comment notre pauvre nature pécheresse laisse toutes sortes de prises au menteur. L’accusateur des frères, celui qui les accuse jour et nuit, ne dort pas ! À ces moments d’incertitude et d’interrogations, les images employées par Jésus pour décrire la détresse de sa ville trouvent une étrange résonance dans notre paysage intérieur : encerclement, paralysie, écrasement, démolition, dispersion. C’est le drame que vivent les familles et les communautés qui alimentent secrètement des rancœurs, des détresses, avec tant de sentiments d’échec. Il ne restera pas pierre sur pierre de ce que nous avions voulu bâtir à la louange du Seigneur. Mais « tout va servir au bien de ceux que Dieu aime, » et la déconstruction dont nous faisons l’expérience dans nos communautés et en nous-mêmes, peut être le point de départ d’une reconstruction nouvelle. De nos ruines, un temple nouveau peut surgir, qui ne sera plus fait de mains d’hommes. Il ne sera plus l’appui de notre fierté ou de notre besoin de sécurité. Ce sera un temple fait de pierres enfin vivantes, un temple auquel l’Esprit Saint lui-même donnera élan et cohésion. Un temple fraternel pour les visites de Jésus. Travailler pour la paix dans le monde, dans nos familles, dans nos cœurs, c’est prendre une attitude de reconnaissance du passage de Dieu. Dieu passe, il nous avertit de mille manières de sa présence, nous pouvons encore lui ouvrir notre cœur.