A la suite de Jésus, l’espérance dans l’abandon total.
C’est dans le mystère de la Croix de Jésus et dans celui de la compassion de Marie qui lui est associée, que je peux lire la souffrance de tant d’innocents. Le chapitre 53 d’Isaïe retentit du cri de tant de pauvres anéantis par la douleur ! Les pauvres de Dieu, à leur manière, éclairent aussi pour nous ce mystère de la Passion de Jésus et de la compassion de Marie. Le petit Van qui mourra battu et abandonné l’été 1959 dans un goulag du nord Vietnam, est comme compagnon de douleur de Jésus, lumière pour les pauvres qui ne savent plus parler. En effet dans ses confidences avec Jésus, il est comme la Parole des petits, des humiliés du monde d’aujourd’hui. Il écrivait à son père spirituel : « Mon Père ! entré dans une nuit ténébreuse, je ne vois plus où se trouve la vérité. Mon âme est plongée dans l’affliction et la sécheresse… tout ce que je puis encore savoir, c’est qu’à l’heure actuelle, j’ai un ardent désir de mener une vie fervente. Aussi tout ce que je demande à Dieu, c’est une grâce de lumière, qui me fasse connaître que je l’aime toujours d’un cœur sincère, lui, mon Dieu. Mais…non ! C’est un silence de mort ; je ne vois aucun signe qui me fasse connaître que mon âme vit encore en Dieu.

Au cours de chacune de mes journées, toute mon attention se porte sur Dieu, et il est très facile pour mon cœur de rester habituellement tendu vers lui. Mais je ne sais pourquoi, je ressens toujours de la froideur, comme si mon esprit ne tendait vers Dieu que par habitude, sans éprouver vraiment aucune émotion sensible. Hélas ! Je souffre beaucoup, mais je ne sais pas si Jésus, pourtant présent en moi, est conscient de ma souffrance. Je ne suis pas certain qu’il me sera donné d’être uni à lui dans le ciel, car j’ai l’impression de vivre comme si je n’avais pas la foi, quelle mort douloureuse ! Je souffrirai à partir de maintenant, en attendant la venue de cette heure cruelle… Jésus ! je suis loin d’être un homme sans espérance, mais de fait, mon espérance en toi est devenue chez moi comme le désespoir du pécheur en enfer, c’est à dire que je suis certain de m’accrocher à toi, mais cette certitude, il n’y a que toi qui la connaisse, quant à moi, tout ce que je sais, c’est que je suis désespéré en toi » [32].

Cette réflexion du petit Van, dans sa nuit de la foi, se révèle d’une grande importance quand nous cherchons à entrer dans le mystère de ceux qui sont aux prises avec la souffrance. S’unir à Jésus crucifié est le seul remède. Dieu en son mystère trinitaire nous permet d’entrer dans son Amour pour l’humanité dans la détresse. "J’ai vu la misère de mon Peuple" dit- il à Moïse. C’était une annonce du Sauveur. En Jésus crucifié, nous pouvons comprendre le sort de tant de pauvres auxquels Jésus s’est identifié. En lui s’est ouverte une espérance nouvelle : La Croix de Jésus est sagesse pour ceux qui aiment Dieu dans la nuit de la foi. Marie, la créature la plus proche du Sauveur, participe d’une manière unique à ce mystère de notre Rédemption. Première en chemin, elle ouvre pour nous la Voie : "Faites tout ce qu’il vous dira." Comme à Cana, ce nouveau "faire" est situé dans le Christ : "Sans moi vous ne pouvez rien faire." Comme la vie de Jésus s’est déroulée dans la volonté du Père, notre vie s’accomplit en Jésus. A la demande de Jacques et de Jean d’être assis, l’un à la droite et l’autre à la gauche de Jésus, Il répond : « Pouvez-vous boire la coupe que moi je bois, ou être baptisés du baptême dont moi je suis baptisé ? » Mc.10.21.

C’est en effet la « coupe de Jésus » que nous sommes invités à boire. C’est une prise de conscience que nous avons à faire dans la foi : cette coupe, c’est la Coupe du Seigneur. Bernadette de Lourdes nous permet d’entrer dans cette compréhension. Elle soignait une sœur malade particulièrement affligée. Une autre sœur qui la visite lui dit sa répugnance devant cette personne. Bernadette répondra : « Plus la vie les a humiliés, plus il faut nous montrer humble devant eux ». Elle remontait jusqu’à la source de toute lumière : "Jésus et Jésus crucifié." Il y a toujours un écart infranchissable pour notre raison, si nous voulons entrer dans la compréhension du mystère de la Croix. Jésus, dans son humanité souffrante, nous introduit dans cet « être avec lui » à sa suite. Il nous a manifesté l’Amour du Père, dans le salut qu’il nous donne par sa Croix. Le disciple de Jésus manifestera par sa compassion, l’Amour de Jésus qui nous sauve. Ainsi, dans toute sa vie, il sera pris par cet Amour de Dieu. L’Esprit Saint qui le fait vivre, rendra par sa vie, témoignage de Jésus. Un nouvel Amour de compassion naît ainsi dans le cœur des Apôtres, ils peuvent aller au secours de l’humanité. La joie du Seigneur est désormais leur joie, nul ne peut la leur ravir..